Nuits Blanches - Stockhausen vu par une ado

Nuits Blanches...

A l'occasion des Nuits Blanches, organisées les 4,5 et 6 octobre 2013 pour les 50 ans de l'amitié franco-allemande, l'Elysian Quartet s'est produit dans Paris, pour jouer l'Helikopter Streichquartet de Stockhausen. C'était une première en France!

Lors de la présentation de l'oeuvre, le présentateur s'étend en louanges, afin de nous assurer que nous avons «de la chance de faire partie des participants de l'oeuvre», car en effet nous participons à cette œuvre extraordinaire, magique, quasiment irréalisable.

Pour ce faire, nous avons besoin de　:

• 1 quatuor à cordes (2 violons, 1 alto et 1 violoncelle) n'ayant PAS le vertige
• Une partition de musique savante pour le moins étrange

photo empruntée ici

• 5 hélicoptères, dont 1 pour la retransmission. Les 4 autres devront bien sur être équipés du matériel nécessaire à l'enregistrement des instruments au moins!
• 1 public courageux, prêt à écouter ce magnifique morceau qui peut paraître égal à du Mozart pour les connaisseurs et à un morceau de l'âne, le chien, le chat, et le coq dans les musiciens de Brême pour ceux qui connaissent moins... par terre ET sous la pluie.
• Une retransmission pas terrible, pour ne pas dire problématique.

Les hélicoptères ont fait le tour de Paris en passant bien sûr au dessus du Pont Neuf où nous étions assis. Plus tard dans la soirée, les musiciens ont rejoint la Monnaie de Paris pour répondre à nos questions, si nous en avions. La vidéo a ensuite tourné en boucle toute la nuit.

Mais, après avoir entendu cet étrange morceau, on se demande ce qu'il s'est passé dans la tête de Stockhausen le jour où il a écrit l'Helikopter Streichquartett! Et bien nous avons été renseignés avant la représentation...

Petite histoire du soir!

En 1991, le directeur de la  programmation du festival de Salzburg, fêtant le 20e anniversaire du quatuor Arditti, commande une partition pour quatuor à cordes (tout ce qu'il y avait de plus classique) à  Stockhausen. Le compositeur est alors «en plein désarroi» (rappellons que Stockhausen est un compositeur allemand, qui compose de la musique électro-accoustique, et qui par conséquent a des idées PEU communes...): cela fait quarante ans qu'il s'aventure sur de nouvelles voies, qu'il découvre de nouvelles expériences musicales et sonores... Il n'écrit pas de simples sonates, symphonies ou quatuors! Il ne va donc en aucun cas répondre simplement à la commande.

Dans un premier temps, on n'observe rien de la part de Stockhausen. Puis, survient, paraît-il, un rêve, un songe, qui lui aurait soufflé une idée brillantissime:

«　J'ai entendu et vu les quatre musiciens dans quatre hélicoptères qui jouaient et volaient dans les airs　»

Stockhausen

Le compositeur décide alors de réaliser son rêve.

Fin 1992, début 1993, il envoie la partition à son commanditaire, et l'idée (allez savoir pourquoi) n'est pas très bien reçue. On lui propose alors de faire plus simple, d'utiliser seulement des bruits d'hélicoptères, tout en restant dans une configuration classique: une salle de spectacle, un public et des musiciens. Mais cela ne convient pas à Stockhausen, car pour lui, le rêve est un ensemble, les hélicoptères font partie du morceau, ce sont des instruments, Stockhausen les attire dans le monde de la musique...

«J'aimerais à terme englober tout notre monde et en faire un monde d'harmonie»

Stockhausen

Finalement, on déclare forfait, et en 1995, le 26 juin, le morceau est joué tel que son créateur l'avait rêvé, au Holland Festival, avec des hélicoptères de la Royal Dutch Air Force, avec comme premier violoniste: Irvine Arditti!

Depuis, l'Helikopter Streichquartett a été joué, maintes et maintes fois, et Angelin Preljocaj l'a même repris pour son ballet Helikopter en 2001!